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29/03/2025

Le hajj au temps des colonies: un pèlerinage d’empire en 1949
Un reportage de Kateb Yacine

Fausto Giudice, Tlaxcala & The Glocal Workshop/L’Atelier Glocal

À l’automne 1949 Kateb Yacine, alors âgé de 20 ans, s’embarque à Alger pour Djeddah sur le paquebot Le Providence des Messageries maritimes pour participer au hajj. De ce pèlerinage organisé et contrôlé par les autorités coloniales françaises et administré par la Banque d’Indochine, il rapporte une série d’articles publiés par le quotidien Alger Républicain en novembre 1949. Dans le dernier article de la série, daté du 22 novembre, intitulé Pas de pèlerinage libre sans séparation du culte et de l’État, il écrit :

« ... La joie du retour en terre natale avait tout effacé. Il n’y avait plus place pour aucun souvenir : nous répondions à l’accueil chaleureux de la population accourue sur les quais dès que le Providence avait été visible au large. Pourtant nous n’avions pas mis pied à terre que déjà on nous interrogeait. Et c’est alors que nous avons compris quel lourd devoir nous incombait : la vérité était si pénible à dire à nos interrogateurs si confiants... Mais nous ne pouvions nous taire sur un tel sujet. En dissimulant les peines endurées, les obstacles et les exploitations, nous n’aurions pas seulement caché la vérité. Nous aurions participé à la tromperie, nous serions entrés, nous, victimes du mensonge, dans le camp des menteurs. Aussi sommes-nous nombre de hadji algériens à avoir décidé de tout révéler, pour aussi difficile que cela le sera, après les contes des Mille et Une Nuits diffusés par les troubadours de M. Naegelen [socialiste, gouverneur général de l’Algérie, nommé en 1948, démissionnaire en 1951]. Non, notre pèlerinage n’a pas été libre, comme nos médersas et nos mosquées ne sont pas libres. Est-ce à dire que nous devons montrer la plaie sans chercher à la guérir, est-ce à dire que nous allons renoncer à notre pèlerinage parce que l’administration le déforme et l’utilise contre nous ? Personne ne peut le croire. Il ne nous reste donc plus qu’une voie pour tenir tête aux falsificateurs : engager la lutte dans l’union pour ne plus permettre de telles usurpations. La liberté du culte en Algérie est la première de nos revendications. Ne pas en comprendre l’importance fondamentale, c’est se résigner à voir toujours notre foi tournée en dérision et la terre sainte livrée aux financiers et aux policiers. Il s’agit de rétablir la décence, de faire reculer le mensonge, de ne plus permettre des mystifications aussi cyniques. C’est notre dignité d’hommes qui en dépend, sans compter les sentiments religieux de toute une population déjà opprimée sur tous les autres plans de la vie. Pour ma part, mon premier souci a été de porter témoignage. Il est de bon augure qu’il se soit trouvé un quotidien en Algérie pour accueillir ce témoignage. Sans reculer devant la haine du gouvernement général pour tout ce qui porte un coup à sa scandaleuse ingérence. Nous pouvons donc considérer un premier pas comme accompli. Il reste maintenant une lutte quotidienne, qui est affaire de toute la population, de toutes les organisations, de tous les honnêtes gens, pour le respect et l’indépendance du culte, pour le pèlerinage libre. Ce dernier doit être et rester l’affaire des [associations] cultuelles musulmanes. »

De la Mauritanie à l’Indonésie, la “gestion du culte musulman” dans les empires coloniaux (français, britannique, italien, néerlandais) et en particulier le contrôle des pèlerinages, a fait l’objet de luttes importantes entre colonisés et prépondérants revendiquant le statut de « puissances musulmanes ». Ironie de l’histoire, la puissance française était loin d’appliquer le principe de base de la laïcité, à savoir la séparation des cultes religieux et de l’État. Dans son reportage, Kateb Yacine donne à voir et à entendre la réalité de ce hajj colonial et comment les pèlerins algériens, marocains, tunisiens, ouest-africains vivaient cette expérience tragi-comique, sous la férule de la Banque d’Indochine et face à la Maison Saoud. Les détails qu’il donne sur les clandestins tunisiens à bord du Providence ne manquent pas de sel.

Luc Chantre, auteur d’une thèse doctorale intitulée Le pèlerinage à La Mecque à l’époque coloniale (v. 1866-1940) : France, Grande-Bretagne,  Italie (Poitiers, 2012), a publié en 2018 un livre issu de cette thèse, intitulé Pèlerinages d’empire. Une histoire européenne du pèlerinage à La Mecque (Éditions de La Sorbonne). Nous en reproduisons le chapitre 12, Le retour contesté des pèlerinages dʼempire, qu’il introduit par ces mots : « Le vide laissé par les puissances coloniales pendant les années de [la deuxième] guerre [mondiale] a créé un précédent que ne manquent pas d’exploiter les opposants à la colonisation. Tandis que les puissances européennes entendent restaurer, dès 1945, les organisations d’avant-guerre, le principe de ces pèlerinages officiels organisés par terre, mer ou air est de plus en plus critiqué chez les pèlerins musulmans – y compris chez les élites musulmanes, pourtant choyées durant l’entre-deux-guerres – qui réclament davantage de liberté, quelles qu’en soient les conséquences ».

À l’occasion de l’Aïd, nous offrons ces documents à nos amis musulmans et décoloniaux, pour alimenter leurs combats et leurs réflexions.




         


28/03/2025

MAURIZIO LAZZARATO
Arming to save financial capitalism!
The lessons of Rosa Luxemburg, Kalecki, Baran and Sweezy

Cartoons by  Enrico Bertuccioli
Translated by  Tlaxcala, edited by John Catalinotto

Maurizio Lazzarato (1955), exiled in France following the crackdown on April 7, 1979 on the Organized Worker Autonomy movement, in which he was an activist at the University of Padua, is an Italian independent sociologist and philosopher living in Paris. He is author of numerous books and articles on immaterial labor, cognitive capitalism, biopolitics and the bioeconomy, debt, war and what he calls the Capital-State machine.

"However great a nation is, if it loves war it will perish; however peaceful the world is, if it forgets war it will be in danger."

from Wu Zi, ancient Chinese military treaty

"When we say system of war we mean a system such as the one in force that assumes war even if only planned and not fought as the foundation and culmination of the political order, that is, of the relationship between peoples and between men. A system where war is not an event but an institution, not a crisis but a function, not a rupture but a cornerstone of the system, a war always deprecated and exorcised but never abandoned as a real possibility."

Claudio Napoleoni, 1986


Donald Trump’s advent is apocalyptic, in the original meaning of the world apocalypse, revelation. His convulsive flailing has the great merit of demonstrating the true nature of capitalism, the relationship between war, politics and profit, between capital and the state usually hidden under the fig leaf of democracy, human rights, values and the mission of Western civilization. 

The same hypocrisy is at the heart of the narrative constructed to legitimize the 840 billion euros for rearmament that the EU has imposed on member states using the state of exception. Arming does not mean, as Draghi says, defending "the values that founded our European society" and have "guaranteed for decades, to its citizens peace, solidarity and with the American ally, security, sovereignty and independence," but it means saving financial capitalism.

There is not even any need for grand speeches and documented analysis to mask the paucity of these narratives. It only took another massacre of 400 Palestinian civilians to bring out the truth of the indecent chatter about the uniqueness and moral and cultural supremacy of the West.

Trump is no pacifist; he merely acknowledges NATO's strategic defeat in the Ukraine war, while European elites reject the evidence. Peace for them would mean returning to the catastrophic state to which they have reduced their nations. The war must continue because for them, as for the Democrats and the U.S. deep state, it is the means to get out of the crisis that began in 2008, as happened once before with the Great Crisis of 1929. Trump thinks he can solve it by prioritizing the economy without disavowing violence, blackmail, intimidation, and war. It is very likely that neither of them will succeed because they have a huge problem: Capitalism, in its financial form, is in deep crisis and it is precisely from its center, the U.S., that “dramatic” signals are coming for the elites who govern us. Instead of converging to the U.S., capital is fleeing to Europe. This is big news, a symptom of great unpredictable ruptures that threaten to be catastrophic.

Instead of producing commodities, finance capital blows bubbles that all inflate in the U.S. and all burst to the detriment of the rest of the world, proving to be weapons of mass destruction. U.S. finance sucks value (capital) from all over the world, invests it in a bubble, which sooner or later bursts, forcing the peoples of the planet into austerity, their sacrifices paying for its failures: First the internet bubble, then the subprime bubble that caused one of the biggest financial crises in the history of capitalism, opened the door to war. They also attempted the green capitalism bubble that never got off the ground and finally the incomparably larger bubble of high-tech companies. To plug the flaws of the private debt disasters dumped on public debts, the Federal Reserve and the European bank flooded the markets with liquidity that instead of 'dripping' into the real economy, served to fuel the high -tech bubble and the development of investment funds known as the "Big Three" -- Vanguard, BlackRock and State Street -- (the largest monopoly in the history of capitalism, managing $50 trillion, major shareholder in all major publicly traded companies). Now even this bubble is deflating.

If you divide the entire capitalization of the Wall Street Stock Exchange list by two we are still a long way from the real value of High tech companies, whose stocks have been inflated by the very funds to keep dividends high for their "rescuers" (the Democrats were also counting on replacing welfare with finance for all, as they had previously raved about housing for all people in the U.S.).

Now the party is over. The bubble has reached its limit and values are falling leaving a real risk of collapse. If we add to this the uncertainty that the policies of Trump, representing a form of finance that is not that of investment funds, are introducing into a system that the investment funds had managed to stabilize with the help of the Democrats, we can understand the fears of the “markets”. Western capitalism needs another bubble because it knows only how to reproduce the same thing over and over (the Trumpian attempt to rebuild manufacturing in the U.S. is doomed to certain failure). 


The perfect identity of "production" and destruction

Europe, which already spends more than twice what Russia spends on arms [$420 billion vs. 158] (NATO accounts for 55 percent of the world's arms spending, Russia 5 percent) has decided on a major investment plan of 800 billion euros to further increase military spending.

The war and Europe where political and economic networks are still active, and power centers that align with the strategy represented by Biden, which was defeated in the last presidential election, have the opportunity to build a bubble based on armaments that compensates for the growing difficulties of the U.S. "markets." Since December, stocks of arms companies have already been the subject of speculation, going from rise to rise and functioning as a safe haven for capital that sees the U.S. situation as too risky. At the center of the operation are investment funds that are also among the largest shareholders in major arms companies. They hold significant stakes in Boeing, Lockheed Martin and RTX, influencing the management and strategies of these companies. They also have a presence in the military-industrial complex in Europe: Rheinmetall, a German company that manufactures Leopards [tanks] and has seen its stock rise 100 percent in recent months, has Blackrock, Société Générale, Vanguard, etc. as major shareholders. Rheinmetall, Europe's largest munitions manufacturer, has surpassed the continent's leading automaker, Volkswagen, in terms of capitalization, the latest sign of investors' growing appetite for defense-related stocks.

The European Union wants to collect and channel continental savings into armaments with catastrophic consequences for the proletariat and a further division of the Union. The arms race will not be able to function as "war keynesianism" because investment in arms intervenes in a financialized economy that is no longer industrial. Built with public money it will generate profits for  a small minority of private investors while worsening conditions for the vast majority of the population.

The arms bubble can only produce the same effects as the U.S. bubble of high-tech enterprises. After 2008, the sums of money captured for investment in the high-tech bubble never 'trickled' down to the U.S. proletariat. Instead, they have produced ever-increasing de-industrialization, de-skilled and precarious jobs, low wages, rampant poverty, the destruction of the little Welfare inherited from the New Deal and the subsequent privatization of all services. This is what the European financial bubble will undoubtedly produce in Europe. Financialization will lead not only to the complete destruction of the Welfare State and the outright privatization of services, but to the further political fragmentation of what remains of the European Union. The debts, incurred by each state separately, will have to be repaid, and huge differences will be produced among European states in their ability to repay the debts they have incurred. 

The real danger is not the Russians, but the Germans with their 500 billion rearmament and another 500 billion for infrastructure, crucial financing in building the bubble. The last time Germany rearmed it wreaked global disasters (25 million dead in the Soviet Union alone, the final solution, etc.), hence François Mauriac's famous statement against German unification "I love Germany so much that I’m happy there are two of them." Waiting for the further developments of nationalism and the already 21% far-right that "Deutschland ist zurück" [Germany is back] will inevitably produce, Germany will impose its usual imperialist hegemony on other European countries. The Germans have quickly abandoned the ordo-liberal creed that had no economic foundation, only political, and embrace to the hilt Anglo-American financialization, but with the same goal, to command and exploit Europe. The Financial Times recounts a decision made by Blackrock's man Merz and Goldman Sachs' man Treasury Minister Joerg Kukies, with the endorsement of the 'left' parties SPD and Die Linke, who, like their predecessors in 1914, are once again taking responsibility for future carnage.

If Germany's previous internal imperialism was based on austerity, export mercantilism, wage freezes and the destruction of the welfare state, this one will be based on the management of a European war economy organized hierarchically according to the differential interest rates to be paid when repaying the contracted debt.

The already heavily indebted countries (Italy, France, etc.) will have to find those who will buy their bonds issued to pay off the debt, in an increasingly competitive European "market." Investors will find it worthwhile to buy German bonds, bonds issued by arms companies on which upward speculation will be in play, and European government debt securities, which are certainly safer and more profitable than the bonds of super-indebted countries. The famous "spread" will still play its role as it did in 2011. The billions needed to pay the markets will not be available to the welfare state. The strategic goal of all governments and oligarchies for the past 50 years will now be achieved: Destroy social spending for the reproduction of the proletariat and instead privatize it. 

Driven by self-interest, 27 national entities will battle each other with nothing to gain, because history, which “we are the only ones who know what’s happening” has backed them into a corner, useless and irrelevant after centuries of colonialism, wars and genocides. 

The arms race is accompanied by a pounding "we are at war" pretext used against everyone (Russia, China , North Korea, Iran, Brics) that cannot be abandoned and is likely to come to fruition in a real war because this delusional amount of weapons must still "be consumed." 


The lessons of Rosa Luxemburg, Kalecki, Baran and Sweezy

Only the clueless can claim to be astonished by what is happening now. Everything is repeating itself, only it is happening within a system dominated by financial capitalism that is no longer the industrial capitalism of the 20th century.

War and armaments have been at the heart of economics and politics since capitalism became imperialist. And they are also at the heart of the process of reproduction of capital and the proletariat, in fierce competition with each other. Let us quickly reconstruct the theoretical framework provided by Rosa Luxemburg, Kalecki, Baran and Sweezy, firmly planted, in contrast to the useless contemporary critical theories, on the categories of imperialism, monopoly and war, which offers us a mirror of the contemporary situation.

We will start with the crisis of 1929, which had its roots in World War I and the attempt to get out of it by activating public spending through state intervention. According to Baran et Sweezy (henceforth B&S), the drawback of government spending in the 1930s was its volume, which was inadequate to counteract the depressive forces of the private economy. 

"Viewed as a rescue operation for the U.S. economy as a whole, the New Deal was thus a blatant failure. Even [John] Galbraith, the prophet of prosperity without war orders, recognized that in the decade 1930 - 1940, 'the great crisis' never ended."

The system would only come out of its crisis with World War II: "Then came the war, and with the war came salvation (...) military spending did what social spending had failed to accomplish" because government spending rose from $17.5 billion to $103.1 billion a year.

B&S show that government spending did not bring the results that military spending did because it was limited by a political problem that is still our own. Why did the New Deal and its spending, fail to achieve a goal that "was within reach, as the war later proved"? Because regarding the nature and composition of government spending, that is, of the reproduction of the system and the proletariat, the class struggle is unleashed. 

"Given the power structure of U.S. monopoly capitalism, the increase in civilian spending had almost reached its outer limits. The forces opposing further expansion were too powerful to be overcome." 

Social spending competed with or harmed corporations and oligarchies, robbing them of economic and political power. "Because private interests control political power the limits of public spending are rigidly set without any concern for social needs, however shamefully obvious they may be." And these limits also applied to spending, health care and education, which at that time, unlike today were not directly competing with the private interests of the oligarchies. 

The arms race allows increased public spending by the state, without transforming this into increased wages and consumption of the proletariat. [The challenge is] how to spend public money to avoid the economic depression that monopoly [capitalism] brings, while avoiding strengthening of the proletariat? "By armaments, by more armaments, by more and more armaments."

Michael Kalecki, working on the same period but on Nazi Germany, succeeds in elucidating other aspects of the problem. Against all economism, which always threatens the understanding of capitalism by critical theories, even by Marxist ones, he highlights the political nature of the capital cycle: "Discipline in the factories and political stability are more important to capitalists than current profits."

The political cycle of capital, which can now' only be guaranteed by state intervention, must resort to arms spending and fascism. For Kalecki, too, the political problem manifests itself in the "direction and purposes of public spending." The aversion to "subsidizing mass consumption" is motivated by the destruction it causes "of the basis of the capitalist ethic ----  'you will earn your bread by the sweat of your brow' (unless you live off the profits of capital)."

How to make sure that state spending is not transformed into increased employment, consumption and wages and thus into the political strength of the proletariat? The inconvenience for the oligarchies is overcome with fascism because the state machine is then under the control of big capital and the fascist leadership, with "the concentration of state expenditures in armaments," while "factory discipline and political stability is ensured by the dissolution of trade unions and concentration camps. Political pressure here replaces the economic pressure of unemployment."

Hence the immense success of the Nazis among most economic liberals in both Britain and America.

War and arms spending were central to American policy even after the end of World War II, because a political structure without an armed force, that is, without a monopoly on its exercise, was inconceivable. The volume of a nation's military apparatus depends on its position in the world hierarchy of exploitation. "The most important nations will always need the most, and the extent of their need (for armed force) will vary according to whether or not a spirited struggle for first place is going on among them." 

Military spending thus continued to grow in the center of imperialism: "Of course, most of the expansion of government spending took place in the military sector, which rose from less than 1 to more than 10 percent of GNP and accounted for about two-thirds of the total increase in government spending since 1920. This massive absorption of the surplus in limited preparations has been the central fact of postwar American history." 

Kalecki points out that in 1966 "more than half of the growth in national income is resolved in the growth of military spending."

Now, after the war [World War II], capitalism can no longer count on fascism to control social spending. The Polish economist, a 'pupil' of Rosa Luxemburg, points out, "One of the fundamental functions of Hitlerism was to overcome big capital's aversion to large-scale anti-consumerist policy. 

The big bourgeoisie had given its assent to the abandonment of laisser-faire and to the radical increase of the role of the state in the national economy, on the condition that the state apparatus would be under direct control of its alliance with the fascist leadership," and that the destination and content of public spending would be determined by armaments. 

In the Glorious Thirties (1930s), without fascism ensuring the direction of public spending, states and capitalists were forced into political compromise. Power relations determined by the century of revolutions forced the state and capitalists into concessions that are nevertheless compatible with profits reaching previously unknown growth rates. But even this compromise is one too many because, despite large profits, "the workers become 'recalcitrant' in such a situation and the 'captains of industry' become eager to 'teach them a lesson.'"

The counter - revolution, unfolding since the late 1960s, will have at its center, the destruction of social spending and the fierce desire to direct public spending toward the sole and exclusive interests of the oligarchies. The problem, since the Weimar Republic, has never been a generic intervention of the state in the economy, but the fact that the state had been invested by the class struggle and had been forced to yield to the demands of workers' and proletarian struggles.

In the "peaceful" times of the Cold War, without the aid of fascism, the explosion of military spending needs legitimacy, secured by propaganda capable of continually conjuring up the threat of a looming war, of an enemy at the gates ready to destroy Western values : "The unofficial and official creators of public opinion had the answer ready: the United States must defend the free world from the threat of Soviet (or Chinese) aggression."

Kalecki, for the same period specifies, "Newspapers, cinema, radio and television stations that work under the auspices of the ruling class create an atmosphere conducive to the militarization of the economy."

Spending on armaments has not only an economic function, but also one of producing subjugated subjectivities. War by exalting subordination and command "contributes to the creation of a conservative mentality."

"While massive public spending on education and welfare tends to undermine the privileged position of the oligarchy, military spending does the opposite. Militarization favors all reactionary forces (...) a blind respect for authority is determined; conduct of conformity and submission is taught and imposed; and contrary opinion is regarded as unpatriotic or even treasonable."

Capitalism produces a capitalist who, precisely because of the political form of its cycle, is a sower of death and destruction rather than a promoter of progress. Richard B. Russel, a conservative U.S. Southern senator as early as the 1960s quoted by B&S, tells us: "There is something about preparations for destruction that induces men to spend money more carelessly than if it were for constructive purposes. Why this happens I don't know; but for the thirty years or so that I have been in the Senate I have realized that in buying weapons to kill, destroy, wipe cities off the face of the earth and eliminate great transportation systems there is something that causes men not to calculate the expenditure with the same care employed when it comes to thinking of decent housing and health care for human beings."

The reproduction of capital and the proletariat became politicized through the revolutions of the 20th century. The class struggle also investing this reality has brought out a radical opposition between the reproduction of life and the reproduction of its destruction that has only deepened since the 1930s.


How does capitalism work

War and armaments, excluded in practice from virtually all critical theories of capitalism, function as discriminants in the analysis of capital and the state.

It is very difficult to call capitalism a "mode of production," as Marx did, because economy, war, politics, state, and technology are closely intertwined and inseparable elements. The "critique of economics" is not enough to produce a revolutionary theory. 

Already with the advent of imperialism a radical change in the functioning of capitalism and the state had been produced, made crystal clear by Rosa Luxemburg for whom accumulation has two expects. The first "concerns the production of surplus-value ---- in the factory, in the mine, in agricultural exploitation ---- and the circulation of goods in the market. Viewed from this point of view, accumulation is an economic process whose most important stage is a transaction between the capitalist and the wage earner." 

The second aspect has the whole world as its theater, a world dimension irreducible to the concept of "market" and its economic laws. "Here the methods employed are colonial politics, the international loan system, the politics of spheres of interest, war. Violence, fraud, oppression, predation develop openly, without mask, and it is difficult to recognize the strict laws of the economic process in the interweaving of economic violence and political brutality."

War is not a continuation of politics but coexists, from time immemorial, with it, as the functioning of the world market shows. Here, where war, fraud, and predation coexist with economics the law of value has never really worked. 

The world market looks very different from the one sketched by Marx. His considerations seem to no longer apply, or rather, need to be specified: only in the world market would money and labor become adequate to their concept, bringing their abstraction and universality to fruition. On the contrary, what we can see is that money, the most abstract and universal form of capital, is always the state currency. The dollar is the currency of the United States and reigns only as such. The abstraction of money and its universality (and its automatisms) are appropriated by a 'subjective force' and are managed according to a strategy that is not contained in money.  

Finance too, like technology seems to be the object of appropriation by "national" subjective forces, hardly universal.  In the world market, even abstract labor does not triumph as such, but instead encountering other, radically different labor (servile labor, slave labor, etc.) is the object of strategies.

Trump's action, having dropped the hypocritical veil of democratic capitalism, reveals to us the secret of economics: it can only function from an international division of production and reproduction that is defined and imposed politically, that is, using force that also involves war. 

The will to exploitation and domination, simultaneously managing political, economic and military relations, constructs a totality, which can never close in on itself, but always remains open, split by conflict, war and pillaging. In this split totality, the set of power relations converge and are governed. Trump intervenes on the use of words, but also on gender theories, while he would like to impose a new global positioning, both political and economic, of the U.S. From the micro to the macro, this is a political action that contemporary movements are far from even thinking about.

The construction of the financial bubble, a process we can follow step by step, happens in the same way. There are many actors that contribute to its production: the European Union, the states that must go into debt, the European Investment Bank, political parties, the media and public opinion, large investment funds (all based in the United States) that organize the movement of capital from one stock exchange to another, and large corporations. Only after the clash/cooperation between these power centers has given its verdict can the economic bubble and its automatic mechanisms function. There is a whole ideology about automatic operation that must be debunked. "Autopilot," especially at the financial level, exists and works only after it is politically established. It did not exist in the Glorious Thirties because it was politically decided upon, it has been functioning since the late 1970s by explicit political will.

This multiplicity of actors who have been agitating for months is held together by a strategy. There is thus a subjective element that intervenes in a fundamental way. Two ways. From the capitalist point of view, there is a fierce struggle going on between the "subjective factor" Trump and the "subjective factor" of the elites who were defeated in the presidential election but still have strong presences in the centers of power in the U.S. and Europe. 

But for capitalism to work we must also consider a subjective proletarian factor. It plays a decisive role because it will either become the passive bearer of the new process of capital production/reproduction or it will tend to reject and destroy it. Having ascertained the incapacity of the contemporary proletariat, the weakest, the most disoriented, the least autonomous and independent proletariat in the history of capitalism, the first option seems the most likely. But if it fails to oppose a strategy of its own to the enemy's continuous strategic innovations, capable of continual renewal, we will fall within an asymmetry of power relations that will take us back to before the French Revolution, into a new/already seen "ancien régime."


MAURIZIO LAZZARATO
¡Armarse para salvar el capitalismo financiero!
La lección de Rosa Luxemburg, Kalecki, Baran y Sweezy

Maurizio Lazzarato, 26-3-2025
Viñetas de Enrico Bertuccioli
Traducido por Tlaxcala, editado por Luis Casado

Maurizio Lazzarato (1955), exiliado en Francia tras la represión desatada el 7 de abril de 1979 contra el movimiento Autonomía Obrera Organizada, en el que militaba en la Universidad de Padua, es un sociólogo y filósofo independiente italiano residente en París. Es autor de numerosos libros y artículos sobre el trabajo inmaterial, el capitalismo cognitivo, la biopolítica y la bioeconomía, la deuda, la guerra y lo que él llama la máquina del Estado-Capital. Último libro publicado en español: Guerra o revolución. Por qué la paz no es una alternativa (Tinta Limón, 2022). Bibliografia en español

Por grande que sea una nación, si ama la guerra perecerá; por pacífico que sea el mundo, si olvida la guerra estará en peligro”.

(“Wu Zi”, antiguo tratado militar chino)

Cuando decimos sistema de guerra nos referimos a un sistema como el vigente  que asume la guerra, aunque sólo sea planeada y no combatida, como fundamento y vértice del orden político, es decir, de la relación entre los pueblos y entre los hombres. Un sistema en el que la guerra no es un acontecimiento sino una institución, no una crisis sino una función, no una ruptura sino una piedra angular del sistema, una guerra siempre obsoleta y exorcizada, pero nunca abandonada como posibilidad real”.

(Claudio Napoleoni, 1986)


El advenimiento de Trump es apocalíptico, en el sentido original del término apocalipsis: revelación. Su convulsa agitación tiene el gran mérito de mostrar la naturaleza del capitalismo, la relación entre guerra, política y beneficio, entre capital y Estado habitualmente cubierta por la democracia, por los derechos humanos, por los valores y la misión de la civilización occidental.

La misma hipocresía está en el corazón de la narrativa construida para legitimar los 800.000 millones de euros para el rearme que la UE le impone mediante el recurso al estado de excepción a los Estados miembros.

Armarse no significa, como dice Draghi, defender “los valores que han fundado nuestra sociedad europea” y han “garantizado durante décadas a sus ciudadanos la paz, la solidaridad y, con el aliado usamericano, la seguridad, la soberanía y la independencia”, sino salvar el capitalismo financiero.

Ni siquiera hacen falta grandes discursos ni documentados análisis para desenmascarar la pobreza de estas narrativas, bastó otra masacre de 400 civiles palestinos para sacar a la luz la verdad de la indecente cháchara sobre la exclusividad la y supremacía moral y cultural de Occidente.

Trump no es un pacifista, se limita a reconocer la derrota estratégica de la OTAN en la guerra de Ucrania, mientras las élites europeas rechazan la evidencia. La paz para ellos significaría volver al estado catastrófico al que han reducido a sus naciones.

La guerra debe continuar porque para ellos, como para los demócratas y el Estado profundo usamericano, es el modo de salir de la crisis iniciada en 2008, como ya ocurrió con la gran crisis de 1929.

Trump piensa resolver la cuestión privilegiando la economía sin renegar de la violencia, del chantaje, de la intimidación, de la guerra. Es muy probable que ni el uno ni los otros tengan éxito en el intento porque tienen un enorme problema: el capitalismo, en su forma financiera, está en profunda crisis y precisamente desde su centro USA – llegan señales “dramáticas” para las élites que nos gobiernan. En lugar de converger hacia USA, los capitales huyen hacia Europa.

Gran novedad, síntoma de rupturas imprevisibles que corren el riesgo de ser catastróficas. El capital financiero no produce mercancías, sino burbujas que se inflan todas en USA y estallan en detrimento del resto del mundo, demostrando ser armas de destrucción masiva.

La finanza usamericana chupa valor (capital) de todo el mundo, lo invierte en una burbuja, que tarde o temprano estallará, obligando a los pueblos del planeta a la austeridad, al sacrificio para pagar sus fracasos: primero fue la burbuja de internet, luego la burbuja de las subprimes que provocó una de las mayores crisis financieras de la historia del capitalismo, abriendo la puerta a la guerra.

Intentaron incluso la burbuja del capitalismo verde que nunca despegó y, por último, la burbuja incomparablemente mayor de las empresas de alta tecnología.

Para tapar los agujeros de los desastres de la deuda privada descargada sobre la deuda pública, la Reserva Federal y la banca europea inundaron los mercados de liquidez que en lugar de “gotear” en la economía real, sirvió para alimentar la burbuja de la alta tecnología y el desarrollo de los fondos de inversión conocidos como los “Tres Grandes”, Vanguard, BlackRock y State Street (el más grande monopolio de la historia del capitalismo, gestiona 50 billones de dólares, accionista mayoritario de todas las empresas cotizadas más importantes). Ahora incluso esta burbuja se está desinflando.

Si dividimos por dos toda la capitalización de la lista de la Bolsa de Wall Street, todavía estamos muy lejos del valor real de las empresas de alta tecnología, cuyas acciones han sido infladas por los propios fondos para mantener altos los dividendos para sus “ahorradores” (los demócratas contaban incluso con sustituir el bienestar por las finanzas para todos, como antes habían delirado con la vivienda para todos los usamericanos).

Ahora la diversión llega a su fin. La burbuja ha llegado a su límite y los valores caen con riesgo real de un colapso. Si a esto añadimos la incertidumbre que las políticas de Trump – representante de unas finanzas que no son las de los fondos de inversión – introducen en un sistema que éstos habían conseguido estabilizar con la ayuda de los demócratas, comprendemos el temor de los “mercados”.

El capitalismo occidental necesita otra burbuja porque no conoce sino la reproducción de lo mismo de siempre (el intento trumpiano de reconstruir la industria manufacturera en USA está destinado a un fracaso seguro).


La identidad perfecta de “producción” y destrucción

Europa, que ya gasta 386.000 millones de euros [UE: 326 000; RU: 60 000] en armamento, es decir, 2,64 veces más de lo que gasta Rusia [146 000 millones] (la OTAN representa el 55% del gasto mundial en armas, Rusia el 5%) decidió un importante plan de inversión de 800.000 millones de euros para seguir aumentando el gasto militar.

La guerra y la Europa donde siguen activas las redes políticas y económicas, centros de poder que remiten a la estrategia representada por Biden, derrotada en las últimas elecciones presidenciales, son la ocasión para construir una burbuja basada en el armamento para compensar las crecientes dificultades de los “mercados” usamericanos.

Desde diciembre, las acciones de las empresas armamentísticas son objeto de especulación, yendo de subida en subida y fungiendo de refugio seguro para los capitales que ven la situación usamericana demasiado riesgosa.

En el centro de la operación están los fondos de inversión, que también figuran entre los principales accionistas de las grandes empresas armamentísticas. Poseen participaciones significativas en Boeing, Lockheed Martin y RTX, influyendo en la gestión y las estrategias de estas empresas.

También en Europa están presentes en el complejo militar-industrial: Rheinmetall, empresa alemana que fabrica los carros Leopard y que ha visto subir el precio de sus acciones un 100% en los últimos meses, tiene como principales accionistas a Blackrock, Société Générale, Vanguard, etc.

Rheinmetall, el mayor fabricante de municiones de Europa, ha superado en capitalización al mayor fabricante de automóviles del continente, Volkswagen, la última señal del creciente apetito de los inversores por los valores ligados a la defensa.

La Unión Europea quiere recoger y canalizar el ahorro continental hacia el armamento con consecuencias catastróficas para el proletariado y una mayor división de la Unión. La carrera armamentística no podrá funcionar como “keynesianismo de guerra” porque la inversión en armamento interviene en una economía financiarizada y ya no industrial. Construida con dinero público beneficiará a una pequeña minoría de particulares, mientras empeora las condiciones de la inmensa mayoría de la población.

La burbuja armamentística sólo puede producir los mismos efectos que la burbuja de alta tecnología usamericana. Después de 2008, las sumas de dinero captadas para la inversión en la burbuja de alta tecnología nunca han “goteado” hacia el proletariado usamericano.

Por el contrario, han producido una desindustrialización cada vez mayor, empleos precarios y poco cualificados, salarios bajos, pobreza rampante, la destrucción del escaso bienestar heredado del New Deal y la posterior privatización de todos los servicios. Esto es lo que sin duda producirá en Europa la burbuja financiera europea.

La financiarización conducirá no sólo a la destrucción completa del Estado del Bienestar y a la privatización a ultranza de los servicios, sino a una mayor fragmentación política de lo que queda de la Unión Europea. Las deudas, contraídas por cada Estado por separado, tendrán que ser reembolsadas y habrá enormes diferencias entre los Estados europeos en cuanto a su capacidad para honrar las deudas contraídas.

El verdadero peligro no son los rusos, sino los alemanes con su rearme de € 500.000 millones y otros € 500.000 millones para infraestructuras, financiación decisiva en la construcción de la burbuja.

La última vez que se armaron combinaron desastres mundiales (25 millones de muertos sólo en la Rusia soviética, la solución final, etc.), de donde surgió la famosa declaración de François Mauriac: “Me gusta tanto Alemania que me alegro de que haya dos”.

A la espera de los desarrollos ulteriores del nacionalismo y de la extrema derecha ya al 21 %, que inevitablemente producirá “Deutschland ist zurück” [Alemania está de vuelta], Alemania impondrá su habitual hegemonía imperialista a los demás países europeos.

Los alemanes han abandonado rápidamente el credo ordoliberal que no tenía ninguna base económica, sólo política, y abrazan a ultranza la financiarización angloamericana, con el mismo objetivo, dominar y explotar Europa.

El Financial Times habla de una decisión tomada por Merz, el hombre de Blackrock, y Kukies, el ministro del Tesoro, hombre de Goldman Sachs, con el aval de los partidos de “izquierda” SPD y Die Linke, que, como sus predecesores en 1914, asumen una vez más la responsabilidad de la futura carnicería.

Si el anterior imperialismo interior alemán se fundaba en la austeridad, el mercantilismo de exportación, la congelación salarial y la destrucción del Estado del Bienestar, éste se fundará en la gestión de una economía de guerra europea jerarquizada en los diferenciales de tipos de interés a pagar para reembolsar la deuda contraída.

Los países ya muy endeudados (Italia, Francia, etc.) tendrán que encontrar quién compre sus bonos emitidos para pagar su deuda, en un “mercado” europeo cada vez más competitivo. A los inversionistas les convendrá más comprar bonos alemanes, bonos emitidos por empresas armamentísticas sobre los que jugará la especulación al alza, y títulos de deuda pública europea, sin duda más seguros y rentables que los bonos de los países sobreendeudados.

El famoso “diferencial” (spread) seguirá desempeñando su papel como en 2011. Los miles de millones necesarios para pagar a los mercados no estarán disponibles para el Estado del Bienestar. El objetivo estratégico de todos los gobiernos y oligarquías desde hace cincuenta años, la destrucción de los gastos sociales para la reproducción del proletariado y su privatización, será alcanzado.

Veintisiete egoísmos nacionales lucharán entre sí sin nada en juego, porque la historia, que “somos los únicos que sabemos lo que es”, nos ha arrinconado, inútiles e irrelevantes tras siglos de colonialismo, guerras y genocidios.

La carrera armamentística va acompañada de una machacona justificación de “estamos en guerra” contra todo el mundo (Rusia, China, Corea del Norte, Irán, BRICS) que no puede abandonarse y que corre el riesgo de llegar a buen puerto porque esta delirante cantidad de armas aún debe “consumirse”.

La lección de Rosa Luxemburg, Kalecki, Baran y Sweezy

Sólo los ingenuos pueden asombrarse de lo que está ocurriendo. Todo se repite, sólo que dentro de un capitalismo financiero y ya no industrial como en el siglo XX.

La guerra y el armamento estén en el centro de la economía y de la política desde que el capitalismo se hizo imperialista. Y son también el centro del proceso de reproducción del capital y del proletariado, en feroz competencia entre sí.

Reconstruyamos rápidamente el marco teórico proporcionado por Rosa Luxemburg, Kalecki, Baran y Sweezy, firmemente plantado, – en contraste con las inútiles teorías críticas contemporáneas –, sobre las categorías de imperialismo, monopolio y guerra, que nos ofrece un espejo de la situación contemporánea.

Empecemos por la crisis de 1929, que tuvo sus raíces en la Primera Guerra Mundial y en el intento de salir de ella activando el gasto público mediante la intervención del Estado. Según Baran y Sweezy (en adelante, B&S) el inconveniente del gasto público en los años 30 era su volumen, incapaz de contrarrestar las fuerzas depresivas de la economía privada.

“Visto como una operación de rescate de la economía usamericana en su conjunto, el New Deal fue, por tanto, un fracaso estrepitoso. Incluso Galbraith, el profeta de la prosperidad sin compras bélicas, reconoció que en la década 1930 - 1940, ‘la gran crisis' nunca terminaba”.

Saldrá solo con la Segunda Guerra Mundial: “Luego vino la guerra, y con la guerra la salvación (...) el gasto militar hizo lo que el gasto social no había conseguido hacer”, porque el gasto público pasó de 17.500 millones de dólares a 103.100 millones.

B&S demuestran que el gasto público no dio los resultados que dio el gasto militar porque estaba limitado por un problema político que sigue siendo el nuestro. ¿Por qué el New Deal y su gasto no consiguieron un objetivo que “estaba al alcance de la mano, como demostró más tarde la guerra”?

Porque sobre la naturaleza y composición del gasto público, es decir, la reproducción del sistema y del proletariado, se desata la lucha de clases.

“Dada la estructura de poder del capitalismo monopolista usamericano, el aumento del gasto civil casi había alcanzado sus límites extremos. Las fuerzas que se oponían a una mayor expansión eran demasiado poderosas para ser superadas”.

El gasto social competía o perjudicaba a las corporaciones y oligarquías, arrebatándoles poder económico y político.

“Como los intereses privados controlan el poder político, los límites del gasto público se fijan rígidamente sin preocuparse de las necesidades sociales, por vergonzosamente evidentes que sean”.

Y estos límites valían también para el gasto, la sanidad y la educación, que en aquella época, a diferencia de hoy, no competían directamente con los intereses privados de las oligarquías.

La carrera armamentística permite aumentar el gasto público del Estado, sin que esto se transforme en un aumento de los salarios y del consumo del proletariado. ¿Cómo se puede gastar el dinero público para evitar la depresión económica que conlleva el monopolio, evitando al mismo tiempo el fortalecimiento del proletariado? “Con armamento, con más armamento, con más y más armamento”.

Michael Kalecki, trabajando sobre el mismo periodo, pero sobre la Alemania nazi, consigue dilucidar otros aspectos del problema. Contra todo economicismo que amenaza siempre la comprensión del capitalismo incluso por las teorías críticas marxistas, pone en evidencia la naturaleza política del ciclo del capital: “La disciplina en las fábricas y la estabilidad política son más importantes para los capitalistas que los beneficios corrientes”.

El ciclo político del capital, que ahora sólo puede ser garantido por la intervención del Estado, debe recurrir al gasto armamentístico y al fascismo. Para Kalecki, el problema político también se manifiesta en la “dirección y los fines del gasto público”. La aversión a la “subvención del consumo de masas” está motivada por la destrucción que provoca “de los fundamentos de la ética capitalista ‘ganarás el pan con el sudor de tu frente’ (a menos que vivas de las rentas del capital)’. ¿Cómo conseguir que el gasto estatal no se convierta en aumento del empleo, del consumo y de los salarios y, por tanto, en fuerza política del proletariado?

El inconveniente para las oligarquías se supera con el fascismo porque la maquinaria estatal está entonces bajo el control del gran capital y de la dirección fascista, con “la concentración del gasto estatal en armamento”, mientras que “la disciplina de fábrica y la estabilidad política se garantizan mediante la disolución de los sindicatos y los campos de concentración. La presión política sustituye aquí a la presión económica del desempleo”.

De ahí el inmenso éxito de los nazis entre la mayoría de los liberales británicos y usamericanos.

La guerra y el gasto en armamento ocupan un lugar central en la política usamericana, incluso después del fin de la Segunda Guerra Mundial, porque es inconcebible una estructura política sin una fuerza armada, es decir, sin el monopolio de su ejercicio.

El volumen del aparato militar de una nación depende de su posición en la jerarquía mundial de explotación. “Las naciones más importantes serán siempre las que más necesiten, y la magnitud de sus necesidades (de fuerza armada) variará en función de que entre ellas haya o no una lucha encarnizada por el primer puesto”.

Por lo tanto, el gasto militar sigue creciendo en el centro del imperialismo: “Naturalmente, la mayor parte de la expansión del gasto público tuvo lugar en el sector militar, que pasó de menos del 1% a más del 10% del PNB, y que representó alrededor de dos tercios del aumento total del gasto público desde 1920. Esta absorción masiva del excedente en preparativos militares ha sido el hecho central de la historia usamericana de posguerra”.

Kalecki señala que en 1966 “más de la mitad del crecimiento de la renta nacional se traduce en el crecimiento de los gastos militares”.

Ahora, en la posguerra, el capitalismo ya no puede contar con el fascismo para controlar el gasto social. El economista polaco, “alumno” de Rosa Luxemburg, señala: “Una de las funciones fundamentales del hitlerismo fue superar la aversión del gran capital a la política anticoyuntural a gran escala. La gran burguesía había dado su asentimiento al abandono del laisser-faire y al aumento radical del papel del Estado en la economía nacional, a condición de que el aparato estatal estuviera bajo el control directo de su alianza con la dirección fascista” y de que el destino y el contenido del gasto público estuvieran determinados por el armamento.

En los Treinta Gloriosos, sin el fascismo asegurando la dirección del gasto público, los Estados y los capitalistas se vieron forzados a un compromiso político. Relaciones de poder determinadas por el siglo de las revoluciones obligan al Estado y a los capitalistas a concesiones que, en cualquier caso, son compatibles con beneficios que alcanzan tasas de crecimiento desconocidas hasta entonces.

Pero incluso este compromiso es demasiado porque, a pesar de los grandes beneficios, “en tal situación los trabajadores se vuelven ‘recalcitrantes’ y los ‘capitanes de la industria’ se muestran ansiosos por ‘darles una lección’”.

La contrarrevolución, desplegada a partir de finales de los años 60, tendrá en su centro la destrucción del gasto social y la feroz voluntad de orientar el gasto público hacia los intereses únicos y exclusivos de las oligarquías. El problema, a partir de la República de Weimar, nunca fue una intervención genérica del Estado en la economía, sino el hecho de que el Estado haya sido investido por la lucha de clases y haya sido obligado a ceder a las exigencias de las luchas obreras y proletarias.

En los tiempos “pacíficos” de la Guerra Fría, sin la ayuda del fascismo, la explosión del gasto militar necesita una legitimación, asegurada por una propaganda capaz de evocar continuamente la amenaza de una guerra inminente, de un enemigo a las puertas dispuesto a destruir los valores occidentales:

“Los creadores oficiosos y oficiales de la opinión pública tienen preparada la respuesta: los Estados Unidos deben defender el mundo libre de la amenaza de agresión soviética (o china)”.

Kalecki, para el mismo período, precisa: “Los periódicos, el cine, la radio y la televisión que trabajan bajo la égida de la clase dominante crean una atmósfera que favorece la militarización de la economía”.

El gasto en armamento no sólo tiene una función económica, sino también de producción de subjetividades sometidas. La guerra, al exaltar la subordinación y el mando, “contribuye a crear una mentalidad conservadora”.

“Mientras que el masivo gasto público en educación y bienestar tiende a socavar la posición privilegiada de la oligarquía, el gasto militar hace lo contrario. La militarización favorece a todas las fuerzas reaccionarias (...) se determina un respeto ciego a la autoridad; se enseña y se impone una conducta de conformidad y sumisión; y la opinión contraria se considera un acto antipatriótico o directamente una traición”.

El capitalismo produce un capitalista que, precisamente por la forma política de su ciclo, es un sembrador de muerte y destrucción, más que un promotor del progreso. Richard B. Russell, un senador conservador del sur de EEUU en los años 60 citado por B&S, nos dice:

“Hay algo en los preparativos para la destrucción que induce a los hombres a gastar el dinero más descuidadamente que si fuera para fines constructivos. No sé por qué ocurre esto; pero durante los treinta años que llevo en el Senado, más o menos, comprendí que, al comprar armas para matar, destruir, borrar ciudades de la faz de la tierra y eliminar grandes sistemas de transporte, hay algo que hace que los hombres no calculen los gastos con el mismo cuidado que cuando se trata de pensar en una vivienda digna y en la atención sanitaria para los seres humanos”.

La reproducción del capital y del proletariado se politizó con las revoluciones del siglo XX. La lucha de clases, ocupando también esta realidad hizo emerger una oposición radical entre la reproducción de la vida y la reproducción de su destrucción que desde los años 1930 no ha hecho sino profundizarse.


¿Cómo funciona el capitalismo ?

La guerra y el armamento, prácticamente excluidos de todas las teorías críticas del capitalismo, funcionan como discriminadores en el análisis del capital y del Estado.  Es muy difícil definir el capitalismo como un “modo de producción”, como hizo Marx, porque la economía, la guerra, la política, el Estado y la tecnología son elementos estrechamente entrelazados e inseparables.

La “crítica de la economía” no basta para producir una teoría revolucionaria. Ya con el advenimiento del imperialismo se produjo un cambio radical en el funcionamiento del capitalismo y del Estado, puesto de manifiesto claramente por Rosa Luxemburg para quien la acumulación tiene dos aspectos.

El primero “se refiere a la producción de plusvalía – en la fábrica, en la mina, en la explotación agrícola – y a la circulación de mercancías en el mercado. Considerada desde este punto de vista, la acumulación es un proceso económico cuya fase más importante es una transacción entre el capitalista y el asalariado”.

El segundo aspecto tiene como teatro el mundo entero, una dimensión mundial irreductible al concepto de “mercado” y a sus leyes económicas.

“Aquí los métodos empleados son la política colonial, el sistema internacional de créditos, la política de esferas de interés, la guerra. La violencia, el engaño, la opresión, la depredación se desarrollan abiertamente, sin máscara, y es difícil reconocer las estrictas leyes del proceso económico en el entrelazamiento de la violencia económica y la brutalidad política”.

La guerra no es una continuación de la política, sino que siempre coexiste con ella, como muestra el funcionamiento del mercado mundial. Aquí, donde la guerra, el fraude y la depredación coexisten con la economía, la ley del valor nunca ha funcionado realmente. El mercado mundial tiene un aspecto muy diferente del esbozado por Marx. Sus consideraciones parecen ya no ser válidas, o mejor dicho, son precisadas: sólo en el mercado mundial el dinero y el trabajo devendrían adecuados a su concepto, haciendo realidad su abstracción y su universalidad. A contrario, lo que podemos constatar es que el dinero, la forma más abstracta y universal del capital, es siempre la moneda de un Estado. El dólar es la moneda de USA y  reina sólo en cuanto tal.

La abstracción del dinero y su universalidad (y sus automatismos) se los apropia una “fuerza subjetiva” y son gestionados según una estrategia que no está contenida en el dinero. Incluso la finanza, como la tecnología, parece ser objeto de apropiación por parte de fuerzas subjetivas "nacionales", muy poco universales.  

En el mercado mundial, ni siquiera el trabajo abstracto triunfa como tal, sino encontrando en su lugar otros trabajos radicalmente diversos (trabajo servil, trabajo esclavo, etc.) y es objeto de estrategias.

La acción de Trump, – caído el velo hipócrita del capitalismo democrático –, nos revela el secreto de la economía: sólo puede funcionar a partir de una división internacional de la producción y la reproducción definida e impuesta políticamente, es decir, mediante el uso de la fuerza, que implica también la guerra.

La voluntad de explotar y dominar, gestionando simultáneamente las relaciones políticas, económicas y militares, construye una totalidad que nunca puede cerrarse sobre sí misma, sino que siempre permanece abierta, escindida por los conflictos, las guerras, las depredaciones. En esta totalidad escindida, convergen y se gobiernan todas las relaciones de poder.Trump interviene sobre el uso de las palabras, pero también sobre las teorías de género, al mismo tiempo que quiere imponer un nuevo posicionamiento global, político y económico, de los USA. De lo micro a lo macro, acción política que los movimientos contemporáneos están lejos sólo de pensar.

La construcción de la burbuja financiera, proceso que podemos seguir paso a paso, tiene lugar del mismo modo. Los actores que intervienen en su producción son múltiples: la Unión Europea, los Estados que deben endeudarse, la Banca Europea, el Banco de Inversiones europeas, los partidos políticos, los medios de comunicación y la opinión pública, los grandes fondos de inversión (todos usamericanos) que organizan el trasiego de capitales de una Bolsa a otra, y las grandes empresas.

Sólo después de que el choque/cooperación entre estos centros de poder haya dado su veredicto, la burbuja económica y sus automatismos podrán funcionar. Hay toda una ideología sobre el funcionamiento automático que hay que desmentir. El “piloto automático”, sobre todo a nivel financiero, existe y funciona sólo después de que ha sido instituido políticamente. No existía en los 30 gloriosos porque se decidió políticamente en ese sentido. Funciona desde finales de los 70 por voluntad política explícita.

Esta multiplicidad de actores que llevan meses agitándose se mantiene unida por una estrategia. Hay, pues, un elemento subjetivo que interviene de manera fundamental. De hecho, dos. Desde el punto de vista capitalista, hay una lucha feroz entre el “factor subjetivo” Trump y el “factor subjetivo” de las élites que fueron derrotadas en las elecciones presidenciales, pero que todavía tienen una fuerte presencia en los centros de poder en los USA y Europa.

Pero para que el capitalismo funcione debemos tomar en consideración también un factor subjetivo proletario. Éste desempeña un papel decisivo porque, o bien se convertirá en el portador pasivo del nuevo proceso de producción/reproducción del capital, o bien tenderá a rechazarlo y destruirlo. Constatada la incapacidad del proletariado contemporáneo, el más débil, el más desorientado, el menos autónomo e independiente de la historia del capitalismo, la primera opción parece la más probable.

Pero si no logra oponer su propia estrategia a las continuas innovaciones estratégicas del enemigo, capaces de renovarse continuamente, caeremos en una asimetría de las relaciones de poder que nos retrotraerá a antes de la revolución francesa, a un nuevo/ya visto "ancien régime".

Notas del editor

Capital financiero

El capital financiero suele ser un espejismo, como el dinero que se supone lo constituye. Desde la elección de Trump, la “riqueza” de media docena de oligarcas (Musk, Bezos, Zuckerberg...) se incrementó en varios centenares de miles de millones de dólares (sin que se hubiese creado un céntimo de valor añadido...), para luego desaparecer tan rápidamente como había llegado (sin que se destruyese ni un céntimo de valor...). El autor de la nota se refiere a este moderno fantasma que, a su vez, recorre en mundo. El capital financiero es, efectivamente, un arma de destrucción masiva, en la medida en que muchos líderes contemporáneos y los países que regentan son sensibles a los espejismos...

Deuda pública

O deuda soberana. Proviene del derecho de cada Estado a emitir dinero sin contrapartida real. El dólar es la moneda de todos los records, y de la más gigantesca irresponsabilidad monetaria desde que Richard Nixon decidiera abandonar el respaldo oro (15-08-1971). De ahí en adelante los EEUU han emitido dólares sin límites y sin respaldo, exportando inflación a todo el planeta. Se trata de la llamada “liquidez” que no es sino un “pase mágico”. Emitir dinero sin respaldo significa aumentar la cantidad de dinero en circulación sin incrementar la cantidad de bienes y servicios disponibles en la economía. Los EEUU pagan con papelitos verdes que no valen la tinta con la que fueron impreos. La deuda pública yanqui supera el 120% del PIB de los EEUU. Y subiendo... Expresar el “valor” de una empresa en dólares truchos (monnaie de singe), es una forma (otra forma) de estafa.

Financiación del rearme

Hasta antes de ayer en la UE no había dinero para financiar la Salud (sólo en Francia se han suprimido 48 mil camas en los hospitales), ni para financiar la Educación (miles de clases no tienen todos sus profesores y sus salarios son miserables). Y he aquí que en 48 horas cronometradas la UE encontró € 800 mil millones para financiar la compra de armamento. Digan lo que digan, el modelo social pagará las habas que se comerá el burro.

Consecuencias del rearme

Gastar la enorme suma de € 800 mil millones en armas generará empleos bien pagados, y la colaboración de parte del proletariado (amén de ganancias extraordinarias para el gran capital). La industria armamentística tiene un detalle: para crecer requiere el consumo de lo ya producido, o sea... una guerra lo más destructiva posible. En ese sentido se trata de la peor corrupción en extensión, volumen y profundidad. La propaganda que debe convencer a los europeos de la necesidad de la guerra ya está entre nosotros, día y noche... ¡Heil!


26/03/2025

MAURIZIO LAZZARATO
S’armer pour sauver le capitalisme financier !
La leçon de Rosa Luxemburg, Kalecki, Baran et Sweezy

Maurizio Lazzarato, 26/3/2025
Dessins d' Enrico Bertuccioli
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

« Si grande que soit une nation, si elle aime la guerre, elle périra ; si pacifique que soit le monde, s’il oublie la guerre, il sera en danger »

Wu Zi, ancien traité militaire chinois

« Quand nous parlons de système de guerre, nous entendons un système tel que celui qui est en vigueur et qui suppose que la guerre, même si elle n’est que planifiée et non combattue, est le fondement et le sommet de l’ordre politique, c’est-à-dire des relations entre les peuples et entre les hommes. Un système où la guerre n’est pas un événement mais une institution, pas une crise mais une fonction, pas une rupture mais une pierre angulaire du système, une guerre toujours décriée et exorcisée, mais jamais abandonnée comme une possibilité réelle »

Claudio Napoleoni, 1986


L’avènement de Trump est apocalyptique, au sens original du terme apocalypse, celui de révélation. Son agitation convulsive a le grand mérite de montrer la nature du capitalisme, le rapport entre la guerre, la politique et le profit, entre le capital et l’État habituellement voilé par la démocratie, les droits humains, les valeurs et la mission de la civilisation occidentale. 

La même hypocrisie est au cœur du récit construit pour légitimer les 800 milliards d’euros de réarmement que l’UE impose aux États membres par le recours à l’état d’exception. S’armer ne signifie pas, comme le dit Draghi, défendre « les valeurs qui ont fondé notre société européenne » et qui ont « garanti pendant des décennies à ses citoyens la paix, la solidarité et, avec notre allié américain, la sécurité, la souveraineté et l’indépendance », mais cela signifie sauver le capitalisme financier.

Il n’y a même pas besoin de grands discours et d’analyses documentées pour masquer l’indigence de ces récits, il a suffi d’un nouveau massacre de 400 civils palestiniens pour mettre en évidence la vérité du bavardage indécent sur l’unicité et la suprématie morale et culturelle de l’Occident.

Trump n’est pas un pacifiste, il ne fait que reconnaître la défaite stratégique de l’OTAN dans la guerre d’Ukraine, alors que les élites européennes refusent l’évidence. Pour elles, la paix signifierait le retour à l’état catastrophique auquel elles ont réduit leurs nations. La guerre doit continuer car pour elles, comme pour les démocrates et l’État profond usaméricain, c’est le moyen de sortir de la crise qui a commencé en 2008, comme ce fut le cas pour la grande crise de 1929. Trump pense pouvoir la résoudre en donnant la priorité à l’économie sans renier la violence, le chantage, l’intimidation, la guerre. Il est très probable que ni l’un ni les autres ne réussiront car ils ont un énorme problème : le capitalisme, dans sa forme financière, est en crise profonde et c’est précisément de son centre, les USA, qu’arrivent les signaux “dramatiques” pour les élites qui nous gouvernent. Au lieu de converger vers les USA, les capitaux fuient vers l’Europe. Une grande nouveauté, symptôme de grandes ruptures imprévisibles qui risquent d’être catastrophiques.

Le capital financier ne produit pas de biens, mais des bulles qui gonflent toutes aux USA et éclatent au détriment du reste du monde, se révélant être des armes de destruction massive. La finance usaméricaine aspire de la valeur (les capitaux) du monde entier, l’investit dans une bulle qui tôt ou tard éclatera, obligeant les peuples de la planète à l’austérité, au sacrifice pour payer ses échecs : d’abord la bulle internet, puis la bulle des subprimes qui a provoqué l’une des plus grandes crises financières de l’histoire du capitalisme, ouvrant la porte à la guerre. Ils ont aussi tenté la bulle du capitalisme vert qui n’a jamais décollé et enfin celle, incomparablement plus grosse, des entreprises de haute technologie. Pour colmater les brèches des désastres de la dette privée déchargée sur les dettes publiques, la Réserve fédérale et la Banque européenne ont inondé les marchés de liquidités qui, au lieu de “ruisseler” dans l’économie réelle, ont servi à alimenter la bulle des hautes technologies et le développement des fonds d’investissement, connus sous le nom de “Big Three” : Vanguard, BlackRock et State Street (le plus grand monopole de l’histoire du capitalisme, gérant 50 000 milliards de dollars, actionnaire principal de toutes les plus importantes sociétés cotées en bourse). Aujourd’hui, même cette bulle est en train de se dégonfler.

Si l’on divise par deux la capitalisation totale de la bourse de Wall Street, on est encore loin de la valeur réelle des entreprises de haute technologie, dont les actions ont été gonflées par ces mêmes fonds pour maintenir des dividendes élevés pour leurs “épargnants” (les Démocrates comptaient aussi remplacer le welfare par la finance pour tous, comme ils avaient déliré auparavant sur la maison pour tous les USAméricains).

Aujourd’hui, le festin touche à sa fin. La bulle a atteint sa limite et les valeurs chutent avec un risque réel d’effondrement. Si l’on ajoute à cela l’incertitude que la politique de Trump, représentant d’une finance qui n’est pas celle des fonds d’investissement, introduit dans un système que ces derniers avaient réussi à stabiliser avec l’aide des Démocrates, on comprend les craintes des “marchés”. Le capitalisme occidental a besoin d’une nouvelle bulle car il ne connaît rien d’autre que la reproduction de l'identique (la tentative trumpienne de reconstruire l’industrie manufacturière aux USA est vouée à un échec certain). 


L’identité parfaite de la “production” et de la destruction

L’Europe, qui dépense déjà 386 milliards d'Euros [UE : 326, RU : 60] en armements, soit 2,64 fois plus que ce que dépense la Russie [146 milliards] (l’OTAN représente 55 % des dépenses d’armement dans le monde, la Russie 5 %), a décidé d’un grand plan d’investissement de 800 milliards d’euros pour augmenter encore les dépenses militaires.

La guerre et l’Europe où sont encore actifs des réseaux politiques et économiques, des centres de pouvoir qui se réfèrent à la stratégie représentée par Biden, battue à la dernière élection présidentielle, sont l’occasion de construire une bulle basée sur l’armement pour compenser les difficultés croissantes des “marchés” usaméricains. Depuis décembre, les actions des entreprises d’armement ont déjà fait l’objet de spéculations, allant de hausse en hausse et jouant le rôle de valeur refuge pour les capitaux qui jugent la situation usaméricaine trop risquée. Au cœur de l’opération, les fonds d’investissement, qui sont aussi parmi les plus gros actionnaires des grandes entreprises d’armement. Ils détiennent des participations importantes dans Boeing, Lockheed Martin et RTX, dont ils influencent la gestion et les stratégies. En Europe, ils sont également présents dans le complexe militaro-industriel : Rheinmetall, une entreprise allemande qui produit les chars Leopard et dont le cours de l’action a augmenté de 100 % au cours des derniers mois, compte parmi ses principaux actionnaires Blackrock, la Société Générale, Vanguard, etc.. Plus grand fabricant de munitions d’Europe, Rheinmetall a dépassé le plus grand constructeur automobile du continent, Volkswagen, en termes de capitalisation, dernier signe en date de l’appétit croissant des investisseurs pour les valeurs liées à la défense.

L’Union européenne veut collecter et canaliser l’épargne continentale vers l’armement, avec des conséquences catastrophiques pour le prolétariat et une nouvelle division de l’Union. La course aux armements ne pourra pas fonctionner comme un « keynésianisme de guerre » parce que l’investissement dans les armes intervient dans une économie financiarisée et non plus industrielle. Construite avec de l’argent public, elle profitera à une petite minorité de particuliers, tout en aggravant les conditions de vie de la grande majorité de la population.

La bulle de l’armement ne pourra que produire les mêmes effets que la bulle de la haute technologie usaméricaine. Après 2008, les sommes d’argent capturées pour être investies dans la bulle high-tech n’ont jamais “ruisselé” vers le prolétariat usaméricain. Au contraire, elles ont produit une désindustrialisation croissante, des emplois déqualifiés et précaires, des bas salaires, une pauvreté endémique, la destruction du peu de welfare hérité du New Deal et la privatisation de tous les services qui s’en est suivie. C’est ce que la bulle financière européenne ne manquera pas de produire en Europe. La financiarisation conduira non seulement à la destruction complète de l’État-providence et à la privatisation définitive des services, mais aussi à la poursuite de la fragmentation politique de ce qui reste de l’Union européenne. Les dettes, contractées par chaque État séparément, devront être remboursées et il y aura d’énormes différences entre les États européens quant à leur capacité à honorer leurs dettes. 

Le vrai danger, ce ne sont pas les Russes, mais les Allemands avec leurs 500 milliards de réarmement et 500 autres milliards pour les infrastructures, des financements décisifs dans la construction de la bulle. La dernière fois qu’ils se sont réarmés, ils ont combiné des catastrophes mondiales (25 millions de morts dans la seule Russie soviétique, la solution finale, etc.), d’où la célèbre phrase de Maruriac : « J’aime tellement l’Allemagne que je suis ravi qu’il y en ait deux ». En attendant les développements ultérieurs du nationalisme et de l’extrême droite déjà à 21 % que le « Deutschland ist zurück » [L’Allemagne est retour] ne manquera pas de produire, l’Allemagne imposera aux autres pays européens son hégémonie impérialiste habituelle. Les Allemands ont rapidement abandonné le credo ordo-libéral qui n’avait pas de base économique, mais seulement politique, pour embrasser à pleine bouche la financiarisation anglo-usaméricaine, mais avec le même objectif, dominer et exploiter l’Europe. Le Financial Times parle d’une décision prise par Merz, l’homme de Blackrock, et Kukies, le ministre du Trésor venu de Goldman Sachs, avec l’aval des partis de “gauche” SPD et Die Linke, qui, comme leurs prédécesseurs en 1914, assument une fois de plus la responsabilité des carnages à venir.

Si le précédent impérialisme intérieur allemand était fondé sur l’austérité, le mercantilisme des exportations, le gel des salaires et la destruction de l’Etat-providence, celui-ci sera fondé sur la gestion d’une économie de guerre européenne hiérarchisée selon les différentiels de taux d’intérêt à payer pour rembourser la dette contractée.

Les pays déjà lourdement endettés (Italie, France, etc.) devront trouver qui achètera leurs obligations émises pour rembourser leur dette, dans un “marché” européen de plus en plus concurrentiel. Les investisseurs auront intérêt à acheter des obligations allemandes, des obligations émises par des entreprises d’armement sur lesquelles la spéculation à la hausse jouera, et des titres de la dette publique européenne, certainement plus sûrs et plus rentables que les obligations des pays surendettés. Le fameux “spread” jouera encore son rôle comme en 2011. Les milliards nécessaires pour payer les marchés ne seront pas disponibles pour l’État-providence. L’objectif stratégique de tous les gouvernements et oligarchies depuis cinquante ans, la destruction des dépenses sociales pour la reproduction du prolétariat et leur privatisation, sera atteint.

27 égoïsmes nationaux s’affronteront sans enjeu, parce que l’histoire, dont « nous sommes les seuls à savoir ce que c’est », nous a mis au pied du mur, devenus inutiles et insignifiants après des siècles de colonialisme, de guerres et de génocides. 

La course aux armements s’accompagne d’une justification martelée – « nous sommes en guerre » contre tous (Russie, Chine, Corée du Nord, Iran, BRICS) - qui ne peut être abandonnée et qui risque de se concrétiser parce que cette quantité délirante d’armes doit de toute façon « être consommée ».

La leçon de Rosa Luxemburg, Kalecki, Baran et Sweezy

Seuls les non-informés peuvent s’étonner de ce qui se passe. Tout est en fait en train de se répéter, mais dans le cadre d’un capitalisme financier et non plus industriel comme au XXe siècle.

La guerre et l’armement sont au cœur de l’économie et de la politique depuis que le capitalisme est devenu impérialiste. Ils sont aussi au cœur du processus de reproduction du capital et du prolétariat, en concurrence féroce l’un avec l’autre.  Reconstituons rapidement le cadre théorique fourni par Rosa Luxemburg, Kalecki, Baran et Sweezy, solidement ancré, contrairement aux inutiles théories critiques contemporaines, sur les catégories d’impérialisme, de monopole et de guerre, qui nous offre un miroir de la situation contemporaine.

Commençons par la crise de 1929, qui trouve son origine dans la Première Guerre mondiale et la tentative d’en sortir en activant les dépenses publiques par l’intervention de l’État. Selon Baran et Sweezy (ci-après B&S), l’inconvénient des dépenses publiques dans les années 1930 était leur volume, incapable de contrer les forces dépressives de l’économie privée. 

« Considéré comme une opération de sauvetage de l’économie américaine dans son ensemble, le New Deal a donc été un échec flagrant. Même Galbraith, le prophète de la prospérité sans engagements guerriers, a reconnu qu’au cours de la décennie 1930-1940, la “grande crise” n’a jamais pris fin ».

Ce n’est qu’avec la Seconde Guerre mondiale qu’elle a pris fin : « Puis vint la guerre, et avec la guerre vint le salut (...) les dépenses militaires ont fait ce que les dépenses sociales n’avaient pas réussi à faire », car les dépenses publiques sont passées de 17,5 milliards de dollars à 103,1 milliards de dollars.

B&S montrent que les dépenses publiques n’ont pas donné les mêmes résultats que les dépenses militaires parce qu’elles étaient limitées par un problème politique qui est toujours d’actualité. Pourquoi le New Deal et ses dépenses n’ont-ils pas atteint un objectif qui « était à portée de main, comme la guerre l’a prouvé par la suite » ? Parce que sur la nature et la composition des dépenses publiques, c’est-à-dire la reproduction du système et du prolétariat, la lutte des classes se déchaîne. 

« Compte tenu de la structure du pouvoir du capitalisme monopoliste usaméricain, l’augmentation des dépenses civiles avait presque atteint ses limites extrêmes. Les forces qui s’opposaient à une nouvelle expansion étaient trop puissantes pour être vaincues ». 

Les dépenses sociales ont concurrencé ou nui aux entreprises et aux oligarchies, les privant de leur pouvoir économique et politique. « Comme les intérêts privés contrôlent le pouvoir politique, les limites des dépenses publiques sont fixées de manière rigide, sans se soucier des besoins sociaux, aussi flagrants soient-ils ». Et ces limites s’appliquaient également aux dépenses, à la santé et à l’éducation, qui à l’époque, contrairement à aujourd’hui, n’étaient pas directement en concurrence avec les intérêts privés des oligarchies. 

La course aux armements permet d’augmenter les dépenses publiques de l’État, sans que cela se traduise par une augmentation des salaires et de la consommation du prolétariat. Comment l’argent public peut-il être dépensé pour éviter la dépression économique qu’entraîne le monopole, tout en évitant le renforcement du prolétariat ? « Par des armements, par plus d’armements, par de plus en plus d’armements ».

Michael Kalecki, travaillant sur la même période mais sur l’Allemagne nazie, parvient à élucider d’autres aspects du problème. Contre tout économisme, qui menace toujours la compréhension du capitalisme par des théories critiques même marxistes, il souligne la nature politique du cycle du capital :   « La discipline dans les usines et la stabilité politique sont plus importantes pour les capitalistes que les profits courants ».

Le cycle politique du capital, qui ne peut plus être garanti que par l’intervention de l’État, doit recourir aux dépenses d’armement et au fascisme. Pour Kalecki, le problème politique se manifeste également dans « l’orientation et les objectifs des dépenses publiques ». L’aversion pour la « subvention de la consommation de masse » est motivée par la destruction « du fondement de l’éthique capitaliste “tu gagneras ton pain à la sueur de ton front” (à moins que tu ne vives des revenus du capital) ».

Comment s’assurer que les dépenses de l’État ne se transforment pas en augmentation de l’emploi, de la consommation et des salaires, et donc en force politique du prolétariat ? L’inconvénient pour les oligarchies est surmonté avec le fascisme, car la machine d’État est alors sous le contrôle du grand capital et de la direction fasciste, avec « la concentration des dépenses de l’État sur l’armement », tandis que « la discipline d’usine et la stabilité politique sont assurées par la dissolution des syndicats et les camps de concentration. La pression politique remplace ici la pression économique du chômage ».

D’où l’immense succès des nazis auprès de la majorité des libéraux tant britanniques qu’usaméricains.

La guerre et les dépenses d’armement sont au cœur de la politique usaméricaine même après la fin de la Seconde Guerre mondiale, car une structure politique sans force armée, c’est-à-dire sans le monopole de son exercice, est inconcevable. Le volume de l’appareil militaire d’une nation dépend de sa position dans la hiérarchie mondiale de l’exploitation. « Les nations les plus importantes auront toujours les besoins les plus importants, et l’ampleur de leurs besoins (en forces armées) variera selon qu’une lutte acharnée pour la première place se déroulera ou non entre elles ». 

 Les dépenses militaires ont donc continué à croître dans le centre de l’impérialisme : « Bien entendu, la majeure partie de l’expansion des dépenses publiques a eu lieu dans le secteur militaire, qui est passé de moins de 1 % à plus de 10 % du PNB et qui a représenté environ deux tiers de l’augmentation totale des dépenses publiques depuis 1920. Cette absorption massive de l’excédent dans des préparatifs limités a été le fait central de l’histoire usaméricaine d’après-guerre » 

Kalecki souligne qu’en 1966, « plus de la moitié de la croissance du revenu national provient de la croissance des dépenses militaires ».

Or, après la guerre, le capitalisme ne pouvait plus compter sur le fascisme pour contrôler les dépenses sociales. L’économiste polonais, “élève” de Rosa Luxemburg, souligne : « L’une des fonctions fondamentales de l’hitlérisme a été de surmonter l’aversion du grand capital pour une politique anticonjoncturelle à grande échelle. La grande bourgeoisie avait donné son accord à l’abandon du laisser-faire et à l’accroissement radical du rôle de l’État dans l’économie nationale, à condition que l’appareil d’État soit sous le contrôle direct de son alliance avec la direction fasciste » et que la destination et le contenu des dépenses publiques soient déterminés par l’armement. Dans les Trente Glorieuses, sans que le fascisme n’assure l’orientation des dépenses publiques, les États et les capitalistes sont contraints au compromis politique. Les rapports de force déterminés par le siècle des révolutions obligent l’État et les capitalistes à faire des concessions qui sont de toute façon compatibles avec des profits atteignant des taux de croissance inconnus jusqu’alors. Mais même ce compromis est de trop car, malgré les profits importants, « les travailleurs deviennent alors “récalcitrants” et les “capitaines d’industrie” sont soucieux de leur “donner une leçon” ».

La contre-révolution, qui s’est développée à partir de la fin des années 1960, avait pour centre la destruction des dépenses sociales et la volonté farouche d’orienter les dépenses publiques vers les seuls et uniques intérêts des oligarchies. Le problème, depuis la République de Weimar, n’a jamais été une intervention générique de l’État dans l’économie, mais le fait que l’État avait été investi par la lutte des classes et avait été contraint de céder aux exigences des luttes ouvrières et prolétariennes.

Dans les temps “paisibles” de la guerre froide, sans l’aide du fascisme, l’explosion des dépenses militaires a besoin d’une légitimation, assurée par une propagande capable d’évoquer continuellement la menace d’une guerre imminente, d’un ennemi aux portes prêt à détruire les valeurs occidentales : « Les créateurs officieux et officiels de l’opinion publique ont la réponse toute prête : les USA doivent défendre le monde libre contre la menace d’une agression soviétique (ou chinoise)3.

Kalecki, pour la même période, précise : « Les journaux, le cinéma, les stations de radio et de télévision travaillant sous l’égide de la classe dirigeante créent une atmosphère qui favorise la militarisation de l’économie ».

Les dépenses d’armement n’ont pas seulement une fonction économique, mais aussi une fonction de production de subjectivités assujetties. En exaltant la subordination et le commandement, la guerre « contribue à la création d’une mentalité conservatrice ».

« Alors que les dépenses publiques massives en faveur de l’éducation et de la protection sociale tendent à saper la position privilégiée de l’oligarchie, les dépenses militaires font le contraire. La militarisation favorise toutes les forces réactionnaires, (...) un respect aveugle de l’autorité est déterminé ; une conduite de conformité et de soumission est enseignée et imposée ; et l’opinion contraire est considérée comme antipatriotique, voire comme une trahison ».

Le capitalisme produit un capitaliste qui, précisément en raison de la forme politique de son cycle, est un semeur de mort et de destruction, plutôt qu’un promoteur de progrès. Richard B. Russell, sénateur conservateur du Sud des USA dans les années 1960, cité par B&S, nous le dit : « Il y a quelque chose dans les préparatifs de destruction qui incite les hommes à dépenser l’argent plus inconsidérément que s’il était destiné à des fins constructives. Je ne sais pas pourquoi cela se produit, mais depuis une trentaine d’années que je siège au Sénat, je me suis rendu compte qu’en achetant des armes pour tuer, détruire, rayer des villes de la surface de la terre et éliminer de grands systèmes de transport, il y a quelque chose qui fait que les hommes ne calculent pas les dépenses aussi soigneusement qu’ils le font lorsqu’il s’agit de penser à un logement décent et à des soins de santé pour les êtres humains ».

La reproduction du capital et du prolétariat s’est politisée à travers les révolutions du XXe siècle. La lutte des classes a également engendré une opposition radicale entre la reproduction de la vie et la reproduction de sa destruction, qui n’a fait que s’approfondir depuis les années 1930.


Comment fonctionne le capitalisme 

La guerre et l’armement, pratiquement exclus de toutes les théories critiques du capitalisme, fonctionnent comme des discriminants dans l’analyse du capital et de l’État.

Il est très difficile de définir le capitalisme comme un “mode de production”, comme l’a fait Marx, parce que l’économie, la guerre, la politique, l’État, la technologie sont des éléments étroitement liés et inséparables. La “critique de l’économie” ne suffit pas à produire une théorie révolutionnaire. Dès l’avènement de l’impérialisme, un changement radical dans le fonctionnement du capitalisme et de l’Etat s’est produit, mis en évidence par Rosa Luxemburg pour qui l’accumulation a deux aspects. Le premier « concerne la production de la plus-value - dans l’usine, dans la mine, dans l’exploitation agricole - et la circulation des marchandises sur le marché. Vue sous cet angle, l’accumulation est un processus économique dont la phase la plus importante est une transaction entre le capitaliste et le salarié ». Le second aspect a pour théâtre le monde entier, une dimension mondiale irréductible au concept de “marché” et à ses lois économiques. « Ici, les méthodes employées sont la politique coloniale, le système des prêts internationaux, la politique des sphères d’intérêt, la guerre. La violence, la tromperie, l’oppression, la prédation se développent ouvertement, sans masque, et il est difficile de reconnaître les lois strictes du processus économique dans l’enchevêtrement de la violence économique et de la brutalité politique ».

La guerre n’est pas une continuation de la politique mais a toujours coexisté avec elle, comme le montre le fonctionnement du marché mondial. Ici, où la guerre, la fraude et la prédation coexistent avec l’économie, la loi de la valeur n’a jamais vraiment fonctionné. Le marché mondial est très différent de celui esquissé par Marx. Ses considérations semblent ne plus s’appliquer, ou plutôt doivent être précisées : ce n’est que dans le marché mondial que l’argent et le travail deviendraient adéquats à leur concept, faisant fructifier leur abstraction et leur universalité. Au contraire, on constate que la monnaie, forme la plus abstraite et la plus universelle du capital, est toujours la monnaie d’un État. Le dollar est la monnaie des USA et ne règne qu’en tant que tel. L’abstraction de la monnaie et son universalité (et ses automatismes) sont appropriées par une “force subjective” et sont gérées selon une stratégie qui n’est pas contenue dans la monnaie.  

Même la finance, comme la technologie, semble être l’objet d’une appropriation par des forces subjectives “nationales”, très peu universelles.  Sur le marché mondial, même le travail abstrait ne triomphe pas en tant que tel, mais rencontre d’autres formes radicalement différentes de travail (travail servile, travail d’esclave, etc.) et fait l’objet de stratégies.

L’action de Trump, ayant fait tomber le voile hypocrite du capitalisme démocratique, nous révèle le secret de l’économie : elle ne peut fonctionner qu’à partir d’une division internationale de la production et de la reproduction définie et imposée politiquement, c’est-à-dire par l’usage de la force, ce qui implique aussi la guerre. 

La volonté d’exploiter et de dominer, en gérant simultanément les relations politiques, économiques et militaires, construit une totalité qui ne peut jamais se refermer sur elle-même, mais qui reste toujours ouverte, scindée par les conflits, les guerres, les prédations. Dans cette totalité éclatée, tous les rapports de force convergent et se gouvernent eux-mêmes. Trump intervient sur l’usage des mots, mais aussi sur les théories du genre, en même temps qu’il voudrait imposer un nouveau positionnement mondial, à la fois politique et économique, des USA. Du micro au macro, une action politique à laquelle les mouvements contemporains sont loin de ne serait-ce que de penser.

La construction de la bulle financière, processus que l’on peut suivre pas à pas, se déroule de la même manière. Les acteurs impliqués dans sa production sont nombreux : l’Union européenne, les États qui doivent s’endetter, la Banque européenne d’investissement, les partis politiques, les médias et l’opinion publique, les grands fonds d’investissement (tous usaméricains) qui organisent le transport des capitaux d’une bourse à l’autre, les grandes entreprises. Ce n’est qu’après le verdict de l’affrontement/coopération entre ces centres de pouvoir que la bulle économique et ses automatismes pourront fonctionner. Il y a toute une idéologie de l’automatisme à déboulonner. Le “pilote automatique”, surtout au niveau financier, n’existe et ne fonctionne qu’après avoir été politiquement mis en place. Il n’a pas existé dans les années 1930 parce qu’il a été décidé politiquement, il fonctionne depuis la fin des années 1970, par une volonté politique explicite.

Cette multiplicité d’acteurs qui s’agitent depuis des mois est soudée par une stratégie. Il y a donc un élément subjectif qui intervient de manière fondamentale. En fait, il y en a deux. Du point de vue capitaliste, il y a une lutte féroce entre le “facteur subjectif” Trump et le “facteur subjectif” des élites qui ont été battues à l’élection présidentielle, mais qui ont encore de fortes présences dans les centres de pouvoir aux USA et en Europe. 

Mais pour que le capitalisme fonctionne, il faut aussi tenir compte d’un facteur prolétarien subjectif. Il joue un rôle décisif car soit il deviendra le porteur passif du nouveau processus de production/reproduction du capital, soit il tendra à le rejeter et à le détruire. Compte tenu de l’incapacité du prolétariat contemporain, le plus faible, le plus désorienté, le moins autonome et indépendant de l’histoire du capitalisme, la première option semble la plus probable. Mais s’il ne parvient pas à opposer sa propre stratégie aux innovations stratégiques permanentes de l’ennemi, capables de se renouveler sans cesse, nous tomberons dans une asymétrie des rapports de force qui nous ramènera au temps d’avant la Révolution française, dans un “ancien régime” nouveau/ déjà vu. [et vive le technoféodalisme !, NdT]

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